Ces derniers temps (depuis un bon moment, en fait, que la droite ou la gauche soient majoritaire), le comportement de certaines personnes améne à se poser pas mal de questions sur cette fameuse démocratie et ses liens avec ni plus ni moins qu’une bonne grosse dictature des familles.

En général, la première réaction des gens ressemble plus ou moins à :

« Haaaaannnn mais comment peut-on dire ça ? »

Ce qui est comprehensible au fond. Ne nous bourre-t-on pas le crâne depuis notre plus tendre enfance avec notre belle démocratie, le droit de vote d’élection conquis à la sueur de notre sang, 1789, la prise de la Bastille, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, bla bla bla… ?

Quels sont les liens avec la population qui vit dans un pays où l'impuissante n’a pour le pouvoir en place que mépris, colère et dégoût ? Où les conditions de travail, pour un nombre important de salariés, sont insupportables ? Où l'on peut avoir l’impression d’avoir au dessus de sa tête une caste aussi incompétente que condescendante, dont les décisions ne sont motivées que par la défense de leurs propres intérêts et privilèges ?

Et bizarrement, cette impression ne change pas, lorsque l'on évoque ces pays ou d'autres…

Alors pour contrer par l’absurde cet argument qui ressort régulièrement, on va faire un petit exercice : imaginez que demain, l’indéboulonnable premier ministre dictateur d'un pays, qui s’accroche au pouvoir depuis 3000 ans comme des sangsues sur les mollets de randonneurs, se fasse déboulonner pour une raison X, Y, Z. Qu’une assemblée populaire constituante se mette en place et qu’elle écrive elle-même son contrat social. Qu’un processus démocratique se mette en place pour désigner les représentants du peuple. Que ceux-ci soient élus ou tirés au sort pour des mandats courts et non-renouvelables, qu’ils puissent être éjectés du pouvoir en cas de faute morale et que des organes indépendants contrôlent qu’ils respectent bien le programme qu’ils sont chargés de mettre en place. Que les médias soient indépendants de tout pouvoir (politique ou financier). Que les citoyens puissent débattre sur les places publiques de la direction qu’ils veulent faire prendre à leur pays. Qu’on instaure un référendum d’initiative populaire et que les citoyens puissent voter pour dire si oui ou non ils veulent de telle ou telle loi. Qu’en gros, cette dictature devienne une démocratie, une vraie, du grec demos : peuple et kratos : pouvoir. Toutes ces choses, dont nombreux sont ceux qui pensent qu'elles n’existent pas alors qu'ils n'y prennent juste pas part en disant : « regarde, ça c’est une vraie dictature ! » 

Ben non, parce la démocratie n’est pas relative. Démocratie et dictature, ce ne sont pas deux concepts situés aux extrémités d’une échelle sur laquelle on placerait les curseurs des pays du monde. La différence entre démocratie et dictature, elle n’est pas de degrés, elle est de nature.

Et elle n’est pas bien compliquée à saisir : la démocratie, c’est le pouvoir au peuple ; la dictature, c’est le pouvoir entre les mains d’une seule personne ou d’un groupe de personne.

Oserait-on, aujourd’hui, prétendre que dans quelques états "démocratiques", c’est le peuple qui a le pouvoir ? Alors même qu’un groupe de personne va décider, par exemple, de faire passer en force une loi à laquelle s’opposent d'autres ?

Quel pouvoir a-t-on ? Celui de défiler dans la rue sans se faire tabasser si on a de la chance ? Celui de mettre, régulèrement, un bulletin dans une urne et de laisser ensuite celui qui aura obtenu le plus de bulletins diriger le pays comme il l’entend sans que l’on ne puisse absolument rien y faire, même s’il trahit notre confiance au plus haut point (ce qui se passe mandats après mandats, élections après élections, finalement) ? Sans parler de la liberté d’expression qui condamne des lanceurs d’alerte à la taule, ou de l’indépendance des médias… 

Est-ce que la démocratie est pas du « par rapport » ou du "point barre" ?

C’est le pouvoir au peuple, point barre. C’est l’implication des citoyens, quotidiennement, dans l’élaboration des lois qui les concernent, point barre. C’est une information indépendante pour des citoyens éclairés, point barre. C’est un renouvellement fréquent des responsabilités de représentativité de ces mêmes citoyens, point barre. C’est la liberté de penser et de dire ce que l’on veut, point barre.

Faire de la démocratie un concept relatif, c’est trahir son sens premier. Prétendre que ce qui se passe dans quelques dictatures ou ailleurs puisse changer le nom que l’on donne à ces régimes n’a pas de sens. Cela reflète bien l’absence de bonne foi, de rationalité, de logique dans lesquelles baignent les débats entre citoyens lambda. Cela traduit bien la régression intellectuelle et politique qui est à l’œuvre aujourd’hui, dans ce monde où le fait que tout soit nivelé par le bas est devenu acceptable, voire souhaitable. Cela montre bien surtout que sur le chapitre des plus beaux concepts que l’humanité ait pu inventer – Démocratie, mais aussi Liberté, Egalité, Fraternité, etc. – on est prêts, et je dirai même enthousiastes, à se contenter du moins pire.

Pas de démocratie sans respect des règles, pas de vie en société possible sans respect de celles qui la permette. S'assoir tranquillement sur quelques principes de base, c'est juste nier le principe de la vie en société en critiquant des démocraties que beaucoup assimile à des dictatures alors qu'eux même se désintéresse du fonctionnement démocratique de celles-ci, tant que l'application de la politique de ceux-ci correspond à l'idée d'un idéal pour eux. Bref, les "avancées" existent sur le chemin démocratique, encore faut-il que le citoyen s'en saississe, mais il est encore long, aussi, le chemin avant que l’on puisse prétendre à un concept de démocratie ultime (d'ailleurs, serait-ce viable ? Ou, simplement, une utopie pour "rêveurs" ?).